Expérience

Quand on intègre une chorale c’est généralement que l’on aime chanter, ou qu’on en a envie, pas forcément que l’on sait chanter. On chantonne, on fredonne ou on braille dans sa salle de bain, sa voiture, en famille ou entre amis après quelques verres. On n’a pas envie d’être une vedette. Une chorale, ça on le sait, ce n’est pas la Starac ni The Voice. On est plutôt un peu réservé et on se dit que ce serait sans doute plus confortable de se noyer dans un groupe.

Et puis on sait tout au plus si l’on est à l’aise plutôt dans les aigus ou plutôt dans les graves, mais la décomposition du groupe en au moins quatre pupitres, parfois plus, est une découverte.

Et quand on a la première partition dans les doigts, hou la la, ça rappelle de vagues souvenirs des cours de musique de 6è, 5è, mais vraiment au stade de vestiges. Que va-t-on pouvoir déchiffrer dans ces lignes ? Il faut bien avouer qu’on ne brillait déjà pas dans les dictées musicales et les tentatives d’apprentissage d’un air à la flûte ne sont restées que tentatives. A l’époque on préférait déjà chanter, c’était quand même plus simple et plus amusant, et si le professeur n’était pas trop quiche avec ses élèves on pouvait même espérer apprendre autre chose que « La truite » de Schubert.

C’est souvent après avoir entendu un concert, s’être laissé emporter par les mélodies mais surtout l’émotion et l’énergie que dégage le chœur qu’on franchit le pas.

Les premières répétitions peuvent être décourageantes, le déchiffrage est ardu. Mais assez rapidement, porté par les camarades autour, qui sont tous bien meilleurs que toi ou sans doute plus anciens dans la chorale, encouragé par le chef qui n’hésite pas à faire répéter jusqu’à ce qu’il soit satisfait, avec beaucoup d’indulgence pour les petits nouveaux ou nouvelles, tu arrives à choper la note, puis le rythme, et peu à peu le morceau s’imprime en toi.

Bah, tu ne te sens tout de même pas très fier lors du premier concert et tu pries le ciel pour que le chef ou la présidente ne te colle pas au premier rang. Pas de chance si tu ne dépasses pas le mètre soixante, tu n’as plus qu’à serrer les fesses et faire de ton mieux.

Mais c’est là, pendant le concert, surtout s’il se fait dans une église où le son tourne et résonne mieux, que tu réalises vraiment pourquoi tu es là. Les différents pupitres se sont harmonisés, le chef est un peu tendu et hyper concentré, chacun est pénétré de sa responsabilité du résultat, et s’est coincé un mouchoir dans la ceinture au cas où. Et là tu donnes le meilleur et tu en prends plein les oreilles, et ça monte, et ça vibre, et tu entends enfin tout le monde, tu ressens l’énergie de tes cinquante camarades, et l’émotion t’envahit. Ouah, qu’est-ce qu’on se sent bien après ! Pour peu que le concert soit acclamé à tout rompre, t’es le roi du monde.

Au fil des répètes, des autres concerts, des weekends de travail collectifs, des déplacements, voire des voyages, des regroupements festifs tu trouves dans la chorale bien plus que l’apprentissage du chant et des différents morceaux. Tu te laisses prendre dans ce ciment, le chœur et ses membres prennent peu à peu place dans ta vie. Tu n’as rien vu venir mais tu le sens un jour, tu appartiens à une nouvelle famille. Pour peu que les coups de la vie se révèlent parfois cruels pour certains d’entre nous, et nul n’y échappe, le chœur est là pout les serrer sur son cœur et les aider à avancer.

Geneviève, choriste.